Attention, dans cet article nous parlons de la réglementation française sur les algues récoltées et consommées dans le cadre d’une cueillette de loisir, dite aussi familiale, sans visée commerciale. La législation concernant la cueillette professionnelle est différente.
Quelles sont les algues comestibles ?
En France ou en Europe, on entend parfois parler d’une « liste d’algues utilisables pour la consommation humaine ».
Cette liste, qui comprend 20 espèces et 1 genre entier de macro-algues (algues visibles à l’œil nu), ne concerne que les algues destinées à être commercialisées(1) et ne détermine pas quelles sont les algues comestibles.
Plus de 130 espèces d’algues sont consommées dans le monde(2) et peuvent être utilisées dans le cadre de la cueillette de loisir dont nous parlons ici.
Par exemple, le mastocarpe étoilé (Mastocarpus stellatus), pourtant récolté professionnellement et vendu en France en mélange avec le carragheen (Chondrus crispus)(3), ne fait pas partie de cette liste(1).
Parmi les autres algues absentes de la liste mais pourtant consommées, on trouve notamment la laminaire boréale (Laminaria hyperborea), la pelvétie canaliculée (Pelvetia canaliculata), la dulse poivrée (Osmundea pinnatifida) ou encore la grateloupe du Pacifique (Grateloupia turuturu)(2,4–6).
La confusion est fréquente entre la liste des algues autorisées à la commercialisation et la liste des algues comestibles. Ainsi, certaines personnes considèrent qu’une algue dont la vente est interdite est une algue non comestible.
Pour rendre compte de ce phénomène, on fait parfois la différence entre le comestible (que notre biologie nous permet de manger) et le consommable (qui est lié à nos habitudes alimentaires). Par exemple, en Europe, le renard n’est généralement pas considéré comme consommable, pourtant il est comestible.
Pour en revenir au cas des algues et en simplifiant les choses : c’est parce que la commercialisation légitime la consommation qu’on considère comme consommables les algues autorisées à la vente et comme non consommables celles qui sont interdites, alors même que certaines de ces dernières sont comestibles et largement consommées dans des contextes culturels différents(7–9).
Les dangers de l’arsenic dans les algues
Pour un adulte moyen, une dose quotidienne d’arsenic d’environ 700 µg amènerait rapidement à des problèmes de santé(10) et une dose quotidienne d’environ 150 µg augmente le risque de cancers(11). En France, l’ANSES recommande de ne pas dépasser environ 35 µg d’arsenic par jour pour un adulte moyen(12).
Il faut déjà préciser que nous parlons ici d’arsenic inorganique, plus toxique que l’arsenic organique. Ce dernier est la forme la plus présente dans la majorité des algues(10,13,14). En France, il est interdit de commercialiser pour l’alimentation humaine des algues contenant plus de 3 mg d’arsenic inorganique par kg d’algue sèche(12).
La laminaire digitée (Laminaria digitata) contient en moyenne environ 24 mg d’arsenic inorganique par kg d’algue sèche(13,15–18), il s’agit d’une des algues les plus riches en cet élément(19). Sans préparation particulière, il ne faudrait pas dépasser la consommation d’environ 1,5 g de laminaire digitée sèche par jour, soit environ 15 g frais.
Il faut aussi noter que la méthode de préparation peut modifier la quantité d’arsenic présente dans l’algue(17,20,21). Ainsi, le trempage dans de l’eau 30 min à température ambiante réduit d’environ 57 % la quantité d’arsenic inorganique(20,22,23).
La cuisson à l’eau, en prenant soin de jeter l’eau de cuisson, réduit encore cette quantité d’environ 64 %(22,24). Et ces deux méthodes se cumulent(22), amenant à une réduction finale d’environ 85 %. Ces deux étapes de préparations permettent ainsi de consommer jusqu’à 100 g de laminaire digitée fraîche par jour (mais lisez tout de même la suite pour l’iode).
On peut encore ajouter que seule une partie de l’arsenic inorganique présent dans une algue va être effectivement capté (on parle de biodisponibilité). La partie non captée n’est alors pas ou très peu toxique. La biodisponibilité de l’arsenic inorganique est très variable selon les espèces, allant généralement de 20 à 75 % de l’arsenic qui est capté, avec une moyenne autour de 50 %(17).
Pour la laitue de mer (Ulva lactuca agg.) qui contient en moyenne 0,31 mg d’arsenic inorganique par kg sec(16,18,19), il ne faudrait pas en consommer plus de 110 g sec par jour pour un adulte, soit environ 1 kg frais sans préparation. Dernier exemple d’algue : la sargasse japonaise (Sargassum muticum) contient en moyenne 23 mg d’arsenic inorganique par kg sec(25–28), il ne faudrait alors pas en consommer plus de 15 g frais par jour pour un adulte, ou 100 g avec une étape de trempage puis de cuisson à l’eau préalable.
À titre de comparaison, certains riz d’origine chinoise contiennent en moyenne 96 µg d’arsenic par kg, et jusqu’à plus de 300 µg/kg pour les cas extrêmes(29). Il ne faudrait donc pas dépasser une consommation quotidienne de 360 g de ce riz moyen, ou 120 g pour les cas extrêmes. Par ailleurs, les riz complets contiennent plus d’arsenic que les riz blanc(30).
Toujours pour comparer, le cabillaud de la mer du Nord contient en moyenne 1,6 mg d’arsenic inorganique par kg frais(31,32). Il ne faudrait donc pas en consommer quotidiennement plus de 22 g pour un adulte moyen.
Pour conclure sur l’arsenic : ces comparaisons permettent d’avoir en tête que la consommation des algues n’est pas très risquée du point de vue des contaminants chimiques en adoptant les bonnes méthodes de préparations ainsi qu’en en gardant une consommation modérée(17). De même, la consommation de certains poissons et autres aliments doit restée modérée.
L’iode et les algues
L’iode est un minéral dont l’humain a besoin de consommer régulièrement une petite quantité. Il est essentiel à la synthèse des hormones thyroïdiennes et au bon fonctionnement de la thyroïde mais, en excès ou en déficit, l’iode est lié à un dysfonctionnement de la thyroïde(33).
La limite supérieure de sécurité pour l’iode est fixée à 600 µg/j pour un adulte moyen en Europe(34,35), à 1100 µg/j pour un adulte moyen aux États-Unis(10) et à 3000 µg/j pour un adulte moyen au Japon(36). Ces différences sont expliquées par la part arbitraire des différentes politiques publiques de santé.
Certaines algues contiennent beaucoup d’iode et il faudrait pour cela se limiter dans leur consommation. C’est par exemple le cas du carragheen (Chondrus crispus) qui contient en moyenne 30 mg d’iode pour 100 g d’algue sèche(37–40). Selon la recommandation européenne, il ne faudrait donc pas dépasser une consommation d’environ 2 g de carragheen sec par jour pour un adulte.
Cependant, blanchir une algue* fraîche à l’eau pendant plus de 30 s ou laisser tremper une algue* fraîche dans de l’eau tiède (environ 30 °C) pendant plus de 5 min ou encore réhydrater une algue* sèche en la laissant environ 1 h dans de l’eau douce réduit d’environ 80 % la teneur en iode*(41–45).
En suivant l’une de ces méthodes, il serait alors possible de consommer quotidiennement jusqu’à 10 g sec de carragheen pour un adulte moyen, soit environ 100 g frais (ou 500 g frais avec les recommandations japonaises).
Autre exemple avec l’une des algues contenant le plus d’iode : la laminaire digitée contient en moyenne environ 471 mg d’iode pour 100 g d’algue sèche(35,46). En utilisant une méthode pour réduire la teneur en iode, il est alors possible de consommer quotidiennement jusqu’à 0,6 g sec de laminaire digitée pour un adulte moyen, soit environ 6 g frais (ou 32 g frais avec les recommandations japonaises). On remarque avec cette laminaire que l’iode pose plus de problèmes que l’arsenic pour sa consommation.
Pour conclure sur l’iode : pour la majorité des algues et pour les personnes n’ayant pas de contre-indication médicale, l’iode n’est pas un problème tant qu’on consomme les algues avec modération.
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Sources
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