Bien plus qu’un simple sapin décoratif à Noël, le sapin de Douglas est un arbre comestible, guérisseur et bâtisseur.
Cette star américaine aux aiguilles délicieuses est pleine d’atouts, mais son franc succès a un défaut, celui de nuire à la biodiversité dans certains cas. Le sapin de Douglas fait donc parler de lui, et possède de multiples facettes.
Le voyage du sapin de Douglas1-3
Le sapin de Douglas (Pseudotsuga menziesii), aussi appelé pin de Douglas ou pin de l’Orégon doit son nom commun à David Douglas, un botaniste écossais présent lors d’une expédition menée par le capitaine Vancouver en 1790 dans le nord-ouest de l’Amérique. C’est lui qui a récolté les graines et les a envoyées en Angleterre, où l’arbre s’est rapidement acclimaté. Son nom latin Pseudotsuga menziesii fait référence à son découvreur, Archibald Menzies, appartenant à la même expédition que David Douglas, bien que cet arbre soit connu des Amérindiens bien avant l’arrivée des Européens.
Le sapin de Douglas est arrivé en France dans les années 1842, il est alors utilisé pour reboiser les forêts, surtout après la Seconde Guerre mondiale et gagne rapidement du terrain.
On le trouve aujourd’hui un peu partout en France, en plaine et en moyenne montagne dans des expositions mi-ombre mi-soleil. Sa présence est plus rare en Méditerranée.
Aux origines du sapin de Douglas¹,⁴
Le sapin de Douglas est un conifère qui appartient à la famille des Pinacées, au côté de l’épicéa, des autres sapins, des pins, etc.
C’est le seul représentant du genre Pseudotsuga en France, mais il existe au départ 2 variétés de sapin de Douglas : la variété menziesii dont nous parlons ici et qui a bien réussi son implantation en Europe, et la variété glauca qui ne parvient pas à s’acclimater au sol européen, poussant à l’origine dans les régions montagneuses d’Amérique du Nord (Rocheuses, Sierra Nevada et Sierra Madre).
Un sapin majestueux, aux cônes caractéristiques et au parfum envoûtant³,⁴
De loin, on reconnaît le sapin de Douglas à son port pyramidal, et à ses branches longues et retombantes. Son feuillage, comme la plupart des conifères, est persistant et son écorce de couleur gris noir est couverte de petits amas de résine.
Il est très facile à distinguer de ses congénères conifères par ses cônes pendants, plus petits, d’où dépassent des sortes de petites langues de serpent. Ces “langues” sont en réalité l’aile de la graine.
Autre trait de personnalité distinctif : ses aiguilles vert foncé et rainurées sur la face supérieure, souples, qui font tout le tour du rameau contrairement au sapin blanc (Abies alba).
Si on écrase ses aiguilles, on pourra apprécier leurs notes citronnées, qui peuvent aussi rappeler le pamplemousse. Cette odeur délicieuse est propre au sapin de Douglas, et fait tout l’intérêt culinaire de ce géant américain.
En cuisine et en médecine⁵,⁶
Les aiguilles du sapin de Douglas sont utilisées en cuisine sous forme brute ou en huile essentielle.
Il existe peu d’études cliniques sur les bienfaits du sapin de Douglas, mais les différentes parties de l’arbre étaient traditionnellement utilisées par certaines populations amérindiennes (Apache, Karok, Haisla, Hopi, etc., durant le XXème siècle), notamment contre les rhumatismes et comme antiseptique pour désinfecter et soigner les plaies.
Nous vous invitons à consulter notre article sur “Le goût des aiguilles du sapin de Douglas” pour en savoir plus sur les usages culinaires et médicinaux des aiguilles.
L’usage traditionnel de son bois par certaines populations amérindiennes²,⁵
Le bois du sapin de Douglas est solide et résistant, il est donc très intéressant en tant que bois d’œuvre.
Avant la colonisation par les européens, de nombreuses populations amérindiennes avaient connaissance de la qualité et de la résistance du bois du sapin de Douglas. Au cours du XXème siècle, certaines d’entre elles l’ont utilisée pour la fabrication des pirogues, ainsi que pour la fabrication d’outils de chasse comme les lances et les manches de harpons. Les petites branches servaient aussi comme lances pour la pêche.
Le bois et l’écorce étaient ramassés pour faire du feu, ainsi que pour améliorer la cuisson et la saveur des poissons et des viandes. Enfin, le sapin de Douglas avait aussi une dimension sacrée : on le retrouvait dans les cérémonies, les danses, et il pouvait aussi faire office de bâton de prière.
Le sapin de Douglas est toujours utilisé en Amérique du Nord et a notamment été utilisé pour reconstruire les banlieues américaines après la Seconde Guerre mondiale. Les plus vieux individus ont traversé les siècles et auraient plus de mille ans.
Les usages européens : une course contre la montre²
En France, le sapin de Douglas est la 2ème essence la plus plantée après le pin maritime en raison de ses nombreux atouts : il pousse vite, possède une grande amplitude écologique, résiste aux ravageurs et son bois est de qualité. Il peut donc faire l’objet d’une exploitation assez intense et n’a malheureusement pas le temps de profiter de ses vieux jours. Dans les forêts du Morvan et des Vosges, on trouve les plus vieux individus, qui sont en réalité encore de jeunes arbres en pleine croissance, et qui atteignent plus de 60 mètres de hauteur. Le sapin de Douglas fait partie des arbres les plus grands de France⁴.
Son bois destiné à des usages parfois considérés comme nobles (menuiserie, charpente, parquet) sert maintenant à des productions souvent moins glorifiée comme du bois de palette dans le Limousin, ou à quitter son lieu d’origine pour être exporté en Chine pour une grande partie de la production afin de répondre à des questions de rentabilité⁷.
Le rythme de l’exploitation forestière du sapin de Douglas planté dans certains massifs en monoculture ne laisse pas le temps au sol de se régénérer. Cela entraîne à un épuisement rapide des sols qui entrave le fonctionnement de l’écosystème forestier. Les arbres plantés en rang serrés laissent très peu entrer la lumière, l’atmosphère y est sombre et la biodiversité d’une pauvreté affligeante. Ces plantations peuvent prendre le pas sur d’autres habitats comme les zones humides. Certaines tourbières du Massif central ont ainsi été remplacées par des plantations de Douglas³.
Le succès envahissant du sapin de Douglas
Le sapin de Douglas s’est si bien acclimaté dans certaines régions du monde qu’il en est devenu envahissant, notamment au Chili et en Argentine².
Il résiste assez bien à la sécheresse ce qui en fait un arbre compétitif face auquel certains pays d’Europe restent vigilants⁸,⁹. L’avantage pour nous, cueilleur, est que cet arbre, aux arômes délicieux, pousse en abondance dans les forêts.
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Sources
1. MNHN & OFB. Fiche de Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco, 1950 Inventaire national du patrimoine naturel. (2025) Disponible sur : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/116216.
2. Decocq, G., Muller, S. & Gauquelin, T. Le sapin de Douglas dans les forêts françaises, entre succès et controverse Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. (2025) Disponible sur : https://www.mnhn.fr/fr/le-sapin-de-douglas-dans-les-forets-francaises-entre-succes-et-controverse.
3. Persuy, A. Guide des Arbres et Arbustes de France (2010).
4. Thomas, R., Maillart, M. & Busti, D. Petite flore de France (NE) Belin (2018).
5. Native American Ethnobotany Disponible sur : https://naeb.brit.org/about.
6. Padure, I. M., Badulescu, L., Dediu, T. & Burzo, I. Morpho-anatomical and phytochemical researches regrading Pseudotsuga Menziesii (Mirabel) Fanco (Pinaceae) Sci. Ann. Alexandru Ioan Cuza Univ. Iasi. 54, 33‑39 (2008).
7. Le Pin de Douglas, catastrophe des forêts ? (2020) Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/superfail/le-pin-de-douglas-catastrophe-des-forets-7280014.
8. Frei, E. R., Moser, B. & Wohlgemuth, T. Competitive ability of natural Douglas fir regeneration in central European close-to-nature forests For. Ecol. Manag. 503, 119767 (2022).
9. Nicolescu, V.-N. et al. Douglas-fir (Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco) in Europe: an overview of management practices J. For. Res. 34, 871‑888 (2023).
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