L’arbre à papillons : un arbre qui trompe énormément

Vous en avez peut-être un dans votre jardin… un de ces arbres semblables aux lilas, aux longues grappes de fleurs tubulées violettes, et qui à première vue, semble être l’attraction idéale pour attirer les papillons.

Nous parlons bien sûr du buddléia de David (Buddleja davidii) plus connu sous le nom de l’arbre à papillons. L’arbre à papillons appartient à la famille des Scrophulariacées et fleurit de juin à septembre1. Il est originaire d’Asie du Sud-Ouest et a été introduit en Europe en 1869 par le père David à des fins ornementales2. Depuis, il s’est largement naturalisé et fait partie de la liste des espèces classées comme exotiques envahissantes.
Alors avant de planter un arbre à papillons dans son jardin, minute papillon !

Un arbre qui prend toute la place

L’arbre à papillon affectionne les milieux pionniers, et s’adapte à une large gamme d’habitats. On le retrouve le long des voies ferrées, bords de route, dans les murs et décombres, friches urbaines et industrielles, le long des coupes forestières et des bords de rivières2.

Chaque arbuste peut produire jusqu’à trois millions de graines chaque année et se disperser par bouturage de fragments de tiges et de racines3. Ses capacités de dispersion en font un colonisateur à l’efficacité redoutable aboutissant à la formation de peuplements monospécifiques (c’est-à-dire constitués seulement de cette espèce)2,4. Ce caractère hautement invasif pose particulièrement problème dans certaines ripisylves (boisements des bords d’eau). La prolifération du buddléia de David modifie le milieu et concurrence d’autres espèces plus locales voir endémiques5.

Un arbre à l’attrait trompeur

L’arbre à papillons reste une plante au pouvoir attractif pour certains papillons6, en raison de la morphologie de ses fleurs au tube profond, de leur couleur et de l’émission de molécules facilement détectables à distance par les antennes de ces derniers7. Sous ses apparences attrayantes, il est en réalité très sélectif et nutritivement peu intéressant. Ses fleurs sont relativement pauvres en nectar8 et en proline, un acide aminé caractéristique chez les insectes qui joue un rôle essentiel dans la fonction du vol9. Son caractère invasif impacte la biodiversité en prenant à terme la place d’autres plantes mellifères indigènes, ou encore de plantes hôtes. Les réseaux entre plantes et insectes peuvent alors être impactés.

Dans le cas de l’abeille domestique (Apis mellifera), lorsque l’arbre à papillon devient trop abondant, les abeilles se concentrent exclusivement sur ce dernier et délaissent les autres plantes avoisinantes10. Le spectre de papillons de jours attirés par les fleurs du buddléia de David reste restreint. On retrouve surtout des papillons communs de la famille des Nymphalinae comme le vulcain (Vanessa atalanta) ou la belle-dame (Vanessa cardui)6. Seul un fragment des insectes existants, représentés majoritairement par des espèces communes de papillons de nuit, papillons de jour et abeilles7 s’accommodent de cet arbre, loin d’être un havre de biodiversité.

L’idéal pour attirer les papillons et autres insectes dans votre jardin est de privilégier la biodiversité des espèces11 en choisissant des essences locales. Certaines Lamiacées aromatiques sont par exemple très appréciées et riches en nectar comme le thym, le romarin, la lavande, la menthe, l’origan ou les sauges11. N’oublions pas les plantes sauvages comme le plantain, les violettes, les trèfles, les chardons et même les orties et les ronces, plantes hôtes sur lesquelles viendront pondre les femelles de papillons, qui sont autant d’atouts pour favoriser la vie dans votre jardin12.

Un arbre toxique ?

Le buddleia de David contient des terpénoïdes toxiques comme l’aucuboside dans ses parties aériennes ce qui rend feuilles et rameaux impropres à la consommation humaine13. Ce n’est pas ce qui rend l’arbuste problématique pour les chenilles car les plantes toxiques pour les humains ne le sont pas forcément pour les autres animaux. L’arbre à papillons en particulier n’est pas toxique pour certaines chenilles qui se nourrissent de ses feuilles ou de ses fleurs. Les chenilles sont en effet capables de s’approprier les toxines des plantes en les ingérant et devenant elles-mêmes toxiques pour leurs prédateurs. C’est le cas par exemple de la magnifique chenille de sphinx de l’euphorbe (Hyles euphorbiae) capable de décomposer les diterpènes toxiques de l’euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias)14.

Une chenille de papillon de nuit commun, la brèche (Cucullia verbasci) associée aux Scrophulariacées est capable de se nourrir sur le buddléia de David15.
C’est avant tout le caractère invasif qui reste préoccupant car il s’exerce au détriment d’autres plantes hôtes cruciales pour la reproduction des papillons.

Usages médicinaux traditionnels

Le buddléia de David est traditionnellement utilisé en médecine chinoise pour ses vertus cicatrisantes, anti-inflammatoires, diurétiques et contre les troubles hépatiques16. Les composés chimiques du buddléia de David ont été étudiés pour leurs propriétés anti-inflammatoires17, anti-cancéreuses ainsi que leur action dans la régulation des oestrogènes18. Cependant, aucune utilisation médicinale n’est reconnue aujourd’hui.

Conclusion : dites non à l’arbre à papillons

L’arbre à papillons ne représente aucun intérêt pour votre jardin. Il risque à court terme d’y proliférer, au détriment des autres plantes et arbustes, sûrement plus attractifs pour les papillons et autres insectes. De plus, il ne présente aucune utilisation médicinale ni comestible reconnues à ce jour.

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Sources

1. Tison, J.-M. & de Foucault, B. Flora gallica. Flore de France Biotope (2014).
2. Fried, G. Guide des plantes invasives Belin (2017).
3. FCBN. Fiche Buddleja davidii (2010) Disponible sur : https://www.fcbn.fr/ressource/fiche-buddleja-davidii.
4. Bottollier-Curtet, M. Conséquences des invasions végétales sur le fonctionnement des écosystèmes riverains fluviaux Université de Toulouse (2010).
5. GT IBMA. Buddleja davidii. Base d’information sur les invasions biologiques en milieux aquatiques. Groupe de travail national Invasions biologiques en milieux aquatiques. UICN, France et Onema (2016).
6. Shackleton, K. & Ratnieks, F. L. W. Garden varieties: How attractive are recommended garden plants to butterflies? J. Insect Conserv. 20, 141‑148 (2016).
7. Chen, G., Gong, W., Ge, J., Dunn, B. L. & Sun, W. Floral scents of typical Buddleja species with different pollination syndromes Biochem. Syst. Ecol. 44, 173‑178 (2012).
8. Chen, G., Gong, W., Ge, J., Dunn, B. L. & Sun, W. Inflorescence scent, color, and nectar properties of “butterfly bush” (Buddleja davidii) in its native range Flora – Morphol. Distrib. Funct. Ecol. Plants. 209, 172‑178 (2014).
9. Drossart, M., Michez, D. & Vanderplanck, M. Invasive plants as potential food resource for native pollinators: A case study with two invasive species and a generalist bumble bee Sci. Rep. 7, 16242 (2017).
10. Corcos, D. et al. Contrasting effects of exotic plant invasions and managed honeybees on plant–flower visitor interactions Divers. Distrib. 26, 1397‑1408 (2020).
11. Lasserre, F. Les insectes en 300 questions/réponses Delachaux et niestlé (2007).
12. Lafranchis, T., Jutzeler, D., Guillosson, J.-Y., Kan, P. & Kan, B. La vie des papillons Ecologie Biologie et Comportement des Rhopalocères de France Diatheo (2015).
13. Baj, T., Kołtunowska, D., Głowniak, K. & Wolski, T. Determination of aucubin in aerial parts of Buddleja davidii Franch. using different TLC-detection methods Ann. UMCS Pharm. 22, 101‑106 (2009).
14. Spohn, M. & Spohn, R. Fleurs et insectes Delachaux et niestlé (2016).
15. Owen, D. F. & Whiteway, W. R. Buddleia davidii in Britain: History and development of an associated fauna Biol. Conserv. 17, 149‑155 (1980).
16. Fan, P. Phytochemical and bioactivity investigations of three invasive neophytes Buddleja davidii Franch (Buddlejaceae), Polygonum cuspidatum Sieb. & Zucc. and Polygonum sachalinensis F. Schmidt ex Maxim (Nakai) (Polygonaceae) Université de Genève (2009).
17. Houghton, P. J., Mensah, A. Y., Iessa, N. & Hong, L. Y. Terpenoids in Buddleja: relevance to chemosystematics, chemical ecology and biological activity Phytochemistry. 64, 385‑393 (2003).
18. Papoutsi, Z. et al. Acteoside and martynoside exhibit estrogenic/antiestrogenic properties J. Steroid Biochem. Mol. Biol. 98, 63‑71 (2006).

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