Chers cueilleurs, chères cueilleuses,
Vous êtes toujours nombreux et nombreuses à vous poser des questions quant aux éventuelles répercussions de la cueillette sur la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes.
Ces questions tout à fait légitimes nous amènent à revenir sur les principaux moteurs d’érosion de la biodiversité à l’heure actuelle. Rassurez-vous, la cueillette familiale, héritage pluri-millénaire de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, n’est pas mise au banc des accusés.
Les « big killers » de la biodiversité
La surexploitation des ressources naturelles et l’agriculture ressortent comme les plus gros moteurs d’extinction de la biodiversité1,2. Sur la liste des espèces menacées évaluées par l’UICN (l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature), 72% sont victimes de surexploitation à des fins commerciales, récréatives ou de subsistance1.
C’est par exemple le cas des cueillettes commerciales intensives de gentiane (Gentiana lutea) ou d’arnica (Arnica montana) dont la présence se raréfie beaucoup dans certaines zones3. Au contraire, la collecte des ressources alimentaires locales pour un usage familial participe à une préservation de l’environnement et des ressources4.
Viennent s’ajouter l’expansion et l’intensification de l’agriculture qui mettent en péril 62% de ces espèces à l’échelle mondiale1. Plus près du terrain, il est vrai que notre œil cherche en vain bleuets, coquelicots, nielles des blés et autres belles compagnes des moissons dans l’uniformité déroutante des paysages agricoles conventionnels .
Autre grande menace pour la biodiversité : la destruction et la fragmentation des habitats qui continuent de se perpétuer5. Dans ce cas, le problème de cueillir ne se pose plus, quand les possibilités de cueillette se réduisent à peau de chagrin.
En France, les écosystèmes de prairie sont les plus touchés avec une régression de 55 000 hectares de terres entre 1990 et 2018, soit deux fois la superficie de Marseille6.
La balance des menaces, une cueillette qui ne fait pas le poids !
Par ordre de grandeur si on raisonne à l’échelle mondiale, les espèces invasives et les pathologies qui leurs sont associées viennent en quatrième place du podium, devant la pollution, le changement climatique, les perturbations humaines, le transport et les énergies1.
Mais aucune étude ne mentionne un éventuel impact de la cueillette familiale de plantes sauvages dans les derniers rapports de l’Office national de la biodiversité, de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) et des revues scientifiques référentes sur ce sujet.
Focus sur les espèces invasives
Les espèces invasives, introduites par l’homme sont problématiques à plusieurs niveaux : elles entraînent des changements parfois irréversibles et des troubles de santé publique notamment illustrées par l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia)7. Selon le dernier rapport de l’IPBES, ces espèces ont contribué seules ou combinées à d’autres facteurs à 60% des extinctions mondiales8. Les écosystèmes insulaires restent les plus touchés.
Cette lutte menée pour venir à bout de ces “pestes végétales” a coûté en France près de 1,5 milliards de dollars entre 1993 et 20189. En tant que cueilleurs, aucune restriction de prélèvements dans ce cas de figure, bien au contraire !
Vous pouvez cueillir à n’en plus finir les tiges de renouée du japon (Reynoutria japonica), les feuilles de vergerette du Canada (Erigeron canadensis) ou encore les fleurs de robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia) pour en faire de délicieux beignets sans être inquiétés (en respectant les règles classiques de cueillette bien sûr).
Cueillez en toute tranquillité, mais avec éthique !
Après cette lecture, nous espérons que vous pourrez relativiser votre cueillette en famille et avec vos amis au vu de l’envergure des menaces que nous avons évoquées. Attention toutefois à respecter certaines règles en vue d’une cueillette respectueuse de la biodiversité (voir notre article Règles et précautions pour la cueillette des plantes sauvages).
Veillez par exemple à ne pas cueillir d’espèces protégées ou menacées. Pour connaître le statut de chaque espèce, vous pouvez vous référer au site de l’INPN (https://inpn.mnhn.fr/accueil/index).
Pour en savoir plus :
Pour aller plus loin
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Références
1. Maxwell, S. L., Fuller, R. A., Brooks, T. M. & Watson, J. E. M. Biodiversity: The ravages of guns, nets and bulldozers Nature. 536, 143‑145 (2016).
2. Caro, T., Rowe, Z., Berger, J., Wholey, P. & Dobson, A. An inconvenient misconception: Climate change is not the principal driver of biodiversity loss Conserv. Lett. 15, (2022).
3. Garreta, R. & Morisson, B. La cueillette des plantes sauvages en Pyrénées Phase 2 : analyse et valorisation CBNPMP (2014).
4. Ivanova, T. et al. Catching the Green—Diversity of Ruderal Spring Plants Traditionally Consumed in Bulgaria and Their Potential Benefit for Human Health Diversity. 15, 435 (2023).
5. Office National de la Biodiversité. La biodiversité française en déclin, 10 ans de chiffres clés par l’Observatoire national de la biodiversité (2023).
6. Office national de la biodiversité. Biodiversité en crise : il est urgent d’amplifier les actions (2021).
7. Masson, K. Problèmes de santé publique posés par l’expansion de l’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia L.) Université Aix-Marseille (2021).
8. Roy, H. E. et al. IPBES Invasive Alien Species Assessment: Summary for Policymakers (2023) Disponible sur : https://zenodo.org/record/8314303.
9. Renault, D. et al. Biological invasions in France: Alarming costs and even more alarming knowledge gaps NeoBiota. 67, 191‑224 (2021).