Quelles propriétés et quels usages se cachent derrière la grande ortie (Urtica dioica), cette plante sauvage si commune et pourtant mal aimée ?
L’ortie, malgré sa réputation, est loin d’être une “mauvaise herbe”, c’est un vrai trésor pour les humains, mais pas que…!
La grande ortie est non seulement comestible mais délicieuse ; c’est une véritable mine de nutriments et une plante aux nombreuses vertus. La seule chose qu’elle doit piquer, c’est votre curiosité ! Dans cet article et la vidéo ci-dessous,, on vous dévoile quelques secrets.
Une fausse amie des lamiers ¹,²
À première vue, avec ses feuilles triangulaires, opposées et sa tige bien carrée, il serait tentant de ranger la grande ortie dans la famille des Lamiacées aux côtés du lamier blanc (Lamium album). Mais il n’en est rien, la grande ortie appartient à une famille bien à elle, celle des Urticacées.
Et même si certains autres noms donnés au lamier blanc comme “l’ortie blanche” ou “l’ortie femelle” peuvent nous induire en erreur, le lamier blanc et la grande ortie se différencient facilement en période de floraison.
Les fleurs du lamier blanc sont grandes, blanches et bilabiées (en forme de gueule de loup) contrairement à celles de la grande ortie, beaucoup plus discrètes et regroupées en grappes. Rien à voir donc entre ces deux types d’inflorescences, qui distinguent l’ortie des autres lamiers. Si le doute persiste, il suffit de toucher les feuilles : pour l’ortie, qui s’y frotte s’y pique !
Une plante, mais deux sexes séparés³,²
La grande ortie pourrait aussi être confondue avec deux de ses consoeurs : la petite ortie (Urtica urens) dont les feuilles sont plus petites, ovales avec des fleurs réunies en grappes courtes et l’ortie à pilules (Urtica pilulifera) aux feuilles très incisées et aux inflorescences sphériques, plus répandue sur le pourtour méditerranéen.
Ces deux espèces sont monoïques, c’est-à-dire que les fleurs mâles et femelles sont ensemble sur le même pied.
A contrario, la grande ortie est une plante dioïque : les fleurs mâles et femelles font bande à part, sur des pieds distincts. Pour le cueilleur, et surtout pour celui qui voudra récolter les graines, il est intéressant de savoir faire la différence car seules les fleurs femelles donneront des fruits et donc…des graines !
Les fleurs mâles sont dressées et plus grosses, elles portent des étamines, tandis que les fleurs femelles sont plus fines et globalement plus arrondies, elles ont “des rondeurs” et portent des pistils. Il faudra donc être attentif durant la période de floraison qui s’étale de juin à août.
Quelques conseils avisés pour la cueillette de l’ortie
Tout se récolte dans la grande ortie, à peu près n’importe où car c’est une plante très commune qui apprécie les sols plutôt humides et riches en nitrates², mais pas n’importe quand et n’importe comment. Il est bon d’avoir quelques techniques pratiques en tête pour éviter de se piquer et profiter pleinement des saveurs de chaque partie de la plante.
Si on veut manger les feuilles crues, il vaut mieux récolter les jeunes pousses au début du printemps, elles sont bien meilleures que les pousses plus avancées de fin de printemps. Les jeunes pousses sont très aromatiques et ont un goût qui rappelle celui des haricots verts ou des concombres. Les feuilles plus âgées sont légèrement plus coriaces et ont un goût plus proche de l’épinard voire du poisson.
Si on rate le coche,on peut tout de même venir faucher un parterre de grande ortie, car c’est une plante vivace. Il faut ensuite attendre 3 semaines, le temps d’avoir de nouvelles pousses dont le goût se rapproche des premières du printemps.
Malgré leurs poils urticants, les feuilles avec un peu de technique peuvent être consommées immédiatement. Il est possible de casser les poils urticants en roulant les feuilles entre les doigts, et de les savourer crues. On peut aussi tout simplement penser à porter des gants avant de les écraser et ainsi casser les poils, ou alors les mettre dans un petit sac en toile et écraser ce sac.
Enfin, on peut privilégier les têtes (feuilles des parties sommitales), au goût délicat et à la texture plus tendre pour une cueillette sans prise de tête, car elles ne demandent aucune préparation. Sinon, si on cueille avec les parties plus basses, la tige est trop fibreuse pour être consommée et doit être dissociée des feuilles à la maison, ce qui demande un peu plus de travail…
Les parties souterraines de la grande ortie sont des rhizomes sous forme de tiges traçantes non ramifiées et plus ou moins étendues.
L’ortie en cuisine
La grande ortie a toute sa place en cuisine, et on la connaît bien au travers d’une recette phare : la célèbre soupe à l’ortie. Mais il existe de multiples façons de la cuisiner.
Ses feuilles se consomment crues après avoir été finement hachées dans les salades, mais aussi mixées en gaspacho ou en pesto. Elles sont aussi excellentes cuites dans des tartes, des farces, des gratins, mais on peut aussi simplement les faire revenir à la poêle ou les faire blanchir avec un filet d’huile, accompagnées d’un peu de sel et de poivre.
Les feuilles âgées cueillies pendant la floraison ont un goût qui rappelle celui du poisson, et peuvent être préparées en brandade d’ortie pour remplacer la morue. Les graines, riches en huile, se consomment crues ou torréfiées en petites quantités.
Les bienfaits nutritionnels de la grande ortie⁴-⁷
En plus d’être délicieuse, la grande ortie est une véritable mine nutritionnelle. Elle est par exemple très riche en fer et donc anti-anémiante, mais aussi en calcium et donc intéressante pour renforcer les os.
Les feuilles sèches n’ont rien à envier aux épinards : elles contiennent près de 30 % de protéines ! Et ce n’est pas tout, car à la quantité s’ajoute la qualité : les protéines de l’ortie contiennent tous les acides aminés essentiels au bon fonctionnement de notre organisme, que notre corps ne peut pas synthétiser. On trouve aussi des lipides dans les graines et de l’amidon dans les racines.
Les feuilles fraîches sont très riches en vitamine C, qui favorise l’assimilation du fer et participe activement au bon fonctionnement de notre système immunitaire, ainsi qu’en vitamine E, à l’action antioxydante. Elles contiennent aussi des vitamines du groupe B et K, et des oligoéléments tels que le cuivre, le zinc, la silice, le soufre, etc.
Les bienfaits médicinaux de la grande ortie⁸-¹⁰
La grande ortie possède également des propriétés anti-inflammatoires et diurétiques, qu’elle partage en commun avec le frêne par exemple. L’ortie sert ainsi à soulager les douleurs articulaires..
Ce sont les feuilles de la grande ortie qui renferment ces propriétés. Les feuilles, comme les racines sont inscrites à la liste A* des plantes utilisées traditionnellement de la pharmacopée* française.
Les racines, parties dures de la plante, se préparent plutôt en infusion avec environ 2 g de racines pour 150 mL d’eau. Elles sont utiles contre un trouble particulier de la prostate : l’hyperplasie bénigne de la prostate.. On peut aussi préparer les parties souterraines en alcoolature.
La grande ortie est une plante sauvage qui a la cote, on la trouve dans les commerces bio et dans les pharmacies. De nombreux produits à base de grande ortie sont vendus sous forme de compléments alimentaires (gélules, ampoules, poudre, etc.).
Usages traditionnels ⁷,⁸
En raison de sa grande richesse en minéraux, la grande ortie est une plante traditionnellement considérée comme reminéralisante pour les tissus, notamment pour les ligaments et les cartilages. Au Moyen Âge, Sainte Hildegarde de Bingen préconisait déjà d’en boire au printemps pour reminéraliser le corps¹¹.
Les parties aériennes de la grande ortie ont été appliquées en cataplasme pour soigner les problèmes de peau comme l’acné ou l’eczéma, et sont parfois utilisées pour remédier aux problèmes capillaires, comme les pellicules ou les cheveux gras. Dans le commerce, il n’est pas rare de trouver de nombreux produits à base de grande ortie comme des shampoings, qui reposent sur ces usages traditionnels. On peut d’ailleurs fabriquer soi-même son shampoing à partir de poudre de grande ortie.
Quant aux graines, on les écrasait pour les appliquer directement sur la peau, afin de lutter contre les rhumatismes et problèmes dermatologiques.
Contre indications⁴
La grande ortie est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité à l’ortie, pendant la prise d’anticoagulants ou en cas d’oedème faisant suite à une insuffisance cardiaque ou rénale.
Une plante qui résiste à toute épreuve ¹³,¹⁴
Les tiges de l’ortie sont composées de fibres végétales parmi les plus solides d’Europe. Elles résistent même au suc gastrique de notre estomac. Ces fibres sont utilisées pour le tissage et le cordage depuis l’âge du bronze au moins. Elles ont notamment servi à confectionner les uniformes des armées allemandes lors de la 1ère guerre mondiale et sont aujourd’hui utilisées, mélangées à d’autres fibres, pour fabriquer des vêtements écologiques.
Un atout pour le jardinier et la biodiversité ¹⁵,¹⁶
La grande ortie ne nourrit pas seulement les humains, c’est une alliée de choix pour le jardinier qui pourra concocter un purin nourricier pour le sol, notamment à la sortie de l’hiver. Le purin d’ortie stimulerait la croissance des jeunes plants, et une poignée d’ortie coupée en morceau peut tapisser le fond des trous de plantation, en pleine terre ou en pots. Les jeunes plantes pourront ainsi bénéficier de son apport en minéraux. Pour en savoir plus sur la préparation du purin d’ortie, vous pouvez consulter notre article “La guerre de l’ortie n’est pas finie”.
Elle nourrit aussi les insectes, dont les coccinelles qui sont de précieux agents anti-pucerons. D’ailleurs, lorsque l’on cueille de l’ortie, il vaut mieux la secouer un peu avant de la mettre dans le panier ou dans le sac de cueillette, afin de ne pas embarquer trop d’insectes. Il est même conseillé, une fois à la maison, de déposer les orties sur la table et d’attendre pendant une petite heure que les insectes partent d’eux-mêmes.
Car la grande ortie est un véritable hôtel à insectes. Elle héberge notamment les chenilles de très beaux papillons comme le paon du jour (Inachis io), la petite tortue (Aglais urticae), le vulcain (Vanessa atalanta) ou encore robert le diable (Polygonia c-album).
Pour aller plus loin
Nous vous rappelons que la cueillette sauvage comporte des risques, que vous pouvez découvrir ici les règles et précautions pour la cueillette. Il est indispensable d’être sûr à 100% de vos identifications avant de consommer une plante, quelle qu’elle soit.
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Sources
- MNHN & OFB. Fiche de Urtica dioica L., 1753 Inventaire national du patrimoine naturel. (2025) Disponible sur : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/128268.
- Thomas, R., Maillart, M. & Busti, D. Petite flore de France (NE) Belin (2018).
- Tison, J.-M. & de Foucault, B. Flora Gallica. Flore de France Biotope (2014).
- Wichtl, M. & Anton, R. Plantes thérapeutiques : Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique Lavoisier Tec & Doc (2003).
- Kregiel, D., Pawlikowska, E. & Antolak, H. Urtica spp. : Ordinary plants with extraordinary properties.
- Kavalali, G. M. Urtica: therapeutic and nutritional aspects of stinging nettles Taylor & Francis (2003).
- Lapraz, J.-C. & Carillon, A. Plantes médicinales – Phytothérapie clinique intégrative et médecine endobiogénique Lavoisier Tec & Doc (2017).
- Committee on Herbal Medicinal Products (HMPC). Assessment report on Urtica dioica L., Urtica urens L., their hybrids or their mixtures, radix (2012) Disponible sur : https://www.ema.europa.eu/en/documents/herbal-report/assessment-report-urtica-dioica-l-urtica-urens-l-their-hybrids-their-mixtures-radix_en.pdf.
- Goetz, P. & Hadji-Minaglou, F. Conseil en phytothérapie : Guide à l’usage du prescripteur Lavoisier Tec & Doc (2019).
- Bruneton, J. Pharmacognosie. Phytochimie, Plantes médicinales Lavoisier Tec & Doc (2009).
- Pukownik, P. En bonne santé toute l’année avec Sainte Hildegarde de Bingen Éditions Médicis (2015).
- Lim, P. H. C. Asian herbals and aphrodisiacs used for managing ED Transl. Androl. Urol. 6, 167‑175 (2017).
- Di Virgilio, N. et al. The potential of stinging nettle (Urtica dioica L.) as a crop with multiple uses Ind. Crops Prod. 68, 42‑49 (2015).
- Bernhardt, C. Sur le front russe, comme tant d’autres…: Témoignage inédit d’un soldat de l’armée impériale allemande recueilli par Jean-Noël Grandhomme Rev. D’Alsace. 139, 137‑146 (2013).
- Ducerf, G. L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales : guide de diagnostic des sols. vol. 1,2,3 Éditions Promonature (2005).
- Spohn, M. & Spohn, R. Fleurs et insectes Delachaux et niestlé (2016).